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transport maritime


Suivant lE marché, le transport maritime a-t-il perdu le sens des réalités ?


Stabilisé autour de 1.500 USD / 40’ depuis près de 15 ans, l’indice de référence transport d’un conteneur depuis Shanghai en Chine (1er port mondial) jusqu’aux NEMP (North European Main Ports / Rotterdam-Anvers-Hambourg-LeHavre) s’est récemment approché de la barre des 20.000 USD ! Au-delà de cet axe en particulier, ce sont tous les trades intercontinentaux qui sont concernés.


Les principales raisons sont les suivantes :

  • Avec la crise sanitaire et la fermeture de la Chine fin 2019 / début 2020, les armateurs ont accéléré le retrait des capacités : des navires ont été rendus à leurs propriétaires ou envoyés en déconstruction, également pour satisfaire aux obligations environnementales.
  • Avec la reprise post-Covid qui s’est accélérée fin 2020 et surtout en 2021, il y a donc eu un effet ciseau, avec une offre d’espace sur les cargos d’autant plus faible que la demande a explosé : beaucoup d’affaires qui ne se sont pas faites en 2020 se concrétisent cette année et renforcent la saturation du marché.
  • La Chine, plus grande usine du monde depuis de nombreuses années, a renforcé sa position avec la crise sanitaire, car elle a redémarré avant tout le monde, ce qui a accéléré le déséquilibre des flux mondiaux.
  • De leur côté, les USA ont redémarré avant l’Europe, et les taux de fret y sont encore plus élevés que sur le Vieux Continent : l’axe transpacifique Asie / Côte Ouest (1er Trade mondial) est donc privilégié, renforçant également les déséquilibres.
  • Les « grains de sable », comme le blocage il y a quelques mois du Canal de Suez par un porte-conteneur pendant quelques jours et stoppant 12% du commerce mondial, ou encore les fermetures transitoires pour confinement ou reconfinement de quelques ports asiatiques clé en Asie (Yantian, Singapour ou Ningbo, par exemple), ou enfin les récentes graves intempéries au Benelux, créent des goulets d’étranglement ayant des conséquences désastreuses dans la durée sur la gestion des flux et qui ont encore des répercussions aujourd’hui.


Tout le monde - armateurs, commissionnaires, chargeurs et consommateurs - peut en percevoir les conséquences :

  • Dégradation de la qualité de service : rotations des cargos fortement perturbées et schedules non respectés, annulations d’escales et surtout incapacité à embarquer, alors que les prix ont été multipliés par quasi 15 !
  • Les nombreuses congestions dans les ports entraînent des retards historiques (mais qui est le plus en retard entre les terminaux et les cargos ?!), perturbant également les pré (export) et post-acheminements (import) et les prestations Interland.
  • Les conteneurs sont éparpillés et pas toujours mobilisables à l’endroit où les besoins sont. L’exemple de la Côte Ouest des USA, qui accapare depuis plusieurs mois une grosse part de la flotte des conteneurs disponibles, illustre la situation.
  • Dégradation de la communication : customer-services débordés chez les armateurs, limites du tout télé-travail et disponibilité des équipes plus aléatoire malgré de gros efforts déployés, rallongement des délais de réponse aux demandes de cotations. Et, mises à part quelques exceptions qu’il faut saluer, généralisation des centres d’appel chez de nombreux armateurs sacrifiant ainsi leur relation commerciale et l’efficacité immédiate à trouver les meilleures solutions.
  • Rupture des chaînes d’approvisionnement en entreprise comme en magasin, et flambée des prix des matières premières et des biens d’équipement, … lorsqu’ils sont encore disponibles.
  • Fait encore jamais vu : le transport aérien est parfois moins cher que le transport maritime !


Quelles perspectives ?

  • Il est clair que le prix de référence à 1.500 USD / 40’ en sortie de Shanghai cité en début d’article était très en dessous du prix de revient des armateurs. Pour autant, le juste prix à ce jour n’est certainement pas autour de 20.000 USD non plus.
  • Il y a 3 mois, il n’y avait aucun signe d’apaisement attendu avant le CNY (Nouvel An Chinois). Depuis, même si nous avons peut-être atteint un sommet, tous les indicateurs laissent à penser que la situation présente va perdurer sur l’ensemble de l’année 2022 !
  • Et pour 2023, le différentiel entre l’augmentation attendue des capacités (+2,8%) et l’augmentation prévue du trafic maritime (+5%) ne laisse pas présager de réelle amélioration sur le 1er semestre.
  • Ces derniers mois, les armateurs ont passé de grosses commandes de cargos (et de conteneurs neufs), souvent d’ailleurs – et il faut le saluer également – avec un impact carbone moindre notamment grâce au GNL, mais ces cargos n’arriveront pas sur le marché avant 2023 ou 2024 (sans même tenir compte des problèmes d’approvisionnement prévisibles en acier !).
  • La course au gigantisme des navires va-t-elle se poursuivre et a-t-elle du sens ? Avec des moyens infrastructurels et humains qui doivent suivre, elle peut permettre des économies d'échelle et une incidence environnementale positive.
  • Plus structurante, la réflexion sur la relocalisation industrielle en France et en Europe est le vrai sujet de fond. A moyen terme, cela pourrait contribuer à ré-équilibrer partiellement les flux, mais ce ne sera pas facile : le coût du travail reste élevé, et, dans l’industrie, une voire deux générations de travailleurs partis à la retraite n’ont pas eu la chance de pouvoir former leurs successeurs. Grandement souhaitable, le renforcement du processus de réindustrialisation, s’il a lieu, sera sans doute lent.

Face à ce constat, les solutions pour l’avenir ne sont pas encore clairement tracées. Des idées commencent à germer : anticipation et lisibilité des volumes des clients-chargeurs / contrats long terme avec des taux plus élevés pour sécuriser service et coût / appui de l’administration Biden sur le Shipping Act / actions plus ou moins concertées en cours en Europe également auprès de l’UE.

Une vraie réflexion de fond semble nécessaire pour peut-être envisager différemment le monde du transport maritime de demain.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

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